Présentation

 La mode, pensée comme un objet d’étude, peut être analysée à partir d’au moins deux dimensions complémentaires : la production et la consommation. Dans la première perspective, nous pensons ce phénomène en termes de production culturelle humaine développée dans le temps et l’espace historique par des agents autorisés à créer, définir et intervenir sur les aspects matériels qui caractérisent la mode. Comme l’ont dit Pierre Bourdieu et Yvette Delsaut (1976), les définitions de ce qui est ou n’est pas la mode, à leur tour, impliquent une série de luttes économiques et symboliques entre ces agents, en produisant continuellement des hiérarchies.   Et dans la seconde perspective, nous considérons que ce phénomène est porteur d’un ensemble d’adjectifs, de codes et de symboles qui contribuent à la construction du goût et de l’apparence, produisant des identités individuelles et collectives qui se ressemblent et se distinguent. C’est dans cette dynamique que nous voyons ce que Georg Simmel a démontré en 1905: l’intérêt d’un certain groupe à reproduire et à copier l’apparence d’un autre ; ou la tentative d’un groupe copié de se distinguer d’une nouvelle apparence. Dans les deux cas, la consommation de biens et de produits est stimulée, créant ainsi des circuits de mode.   Les circuits de mode complètent les dimensions de la production et de la consommation. 

Ces circulations se produisent différemment dans le temps et dans l’espace. Elles sont influencées par les règles de la mode elles-mêmes, mais aussi par des processus économiques, politiques et culturels, en plus d’être synchronisées avec le rythme de la modernité et constamment renouvelées. Fernand Braudel affirmait déjà que depuis le XVIIIe siècle, la mode avait gagné le sens de l’actualité (2005, 286). 

  Et c’est depuis cette époque que Paris a symboliquement émergé comme la capitale de la mode, un point de référence pour l’Occident, en particulier pour les nations américaines nouvellement indépendantes. L’Atlantique apparaît comme un espace très important pour ces circulations. En ce qui concerne la dimension de la production de la mode, ses circuits partent de manière significative de l’Europe, en particulier de Paris et Londres, débarquant dans les ports américains, comme à New York et à Rio de Janeiro. Et sous l’aspect de la consommation, ces circuits présentent ce que Jean-François Botrel considère comme « une dimension identitaire, qui exprime la volonté de se percevoir en dehors du prisme français et de privilégier ou de soutenir ce qui est national [et] une autre, plus utilitaire, mais aussi à visée patriotique qui revendique le transfert dans un but de progrès, de réforme » (2012, 62). 

  Dans ce sens, la circulation transatlantique de la mode pendant le XXème siècle est une clé d’analyse essentielle pour interpréter et comprendre les mouvements de ce phénomène, ainsi que ses configurations et les individus et groupes qui la définissent et corroborent sa production, circulation et consommation.

Objectifs

Traiter la mode dans ses aspects culturels et symboliques, à partir des projets et stratégies de circulation des modes dans l’espace atlantique, notamment à Paris, Londres, New York et à Rio de Janeiro, pendant le XXème siècle. 

Interpréter, analyser et comprendre les mouvements de la mode, ses configurations et les individus et groupes qui définissent et corroborent la production, circulation et consommation de ce phénomène. 

Explorer et présenter les multiples concepts, codes, symboles, adjectifs et représentations de la mode, ses symétries et asymétries dans le contexte de la mondialisation. 

Justificatif

  Comme la mode, le champ d’études qui s’y intéresse est lui aussi en constant renouvellement. Ainsi, le rassemblement de nouvelles recherches et approches qui cherchent à penser le thème des circulations transatlantiques des agents et des biens de mode est essentiel. Ceci est remarquable dans une conjoncture où émergent des changements impliquant le marché de la mode (comme la prééminence des outils virtuels) ; de nouveaux débats dans les études disciplinaires (comme ceux sur les femmes, les explorations, et les décolonialismes) ; en plus des crises et des situations qui, directement ou indirectement, nous atteignent tous, comme la pandémie de 2020 ou la guerre russo-ukrainienne de 2022. 

  L’idée de penser les projets et les stratégies de circulation des modes dans l’espace atlantique à partir d’aspects culturels et symboliques est nécessaire et importante pour nous permettre de comprendre le monde dans lequel vivaient nos ancêtres, et surtout, la société à laquelle nous appartenons et que nous projetons dans l’avenir.

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